Le Diable S'habille En Supporter

Ce week end, j'ai eu la chance de participer à "Rendez Vous En Terre Inconnue", vous savez, cette émission super émouvante dans laquelle une personnalité débarque dans un coin paumée, loin, une terre vierge ou bien souvent les traditions ancestrales font lois. Oui, moi aussi, j'ai testé le concept de "Rendez Vous En Terre Inconnu", puisqu' hier, je suis allée voir un match de foot au Parc Des Princes. 

Paris - Toulouse, pour être exacte. 

La visite du Parc des Princes et ma rencontre avec ses autochtones, les supporters, fût fort dépaysante, tous mes repères, mes manières, mes habitudes, balayés en l'espace d'un instant, le temps d'un match de Ligue 1.

Avant de continuer, je préfère préciser une chose : le Parc, maintenant, c'est gratuit pour les filles. J'aurais pas payé 20 balles pour aller gueuler "Paris est magique", faut pas déconner, surtout qu'à la base :

1) je ne soutiens pas franchement Paris. Mon copain, oui. Moi je veux juste être une bonne et gentille petite amie, alors je le soutiens lui, qui soutient le PSG. T'as pigé ? 

2) je ne m'intéresse que moyennement au foot. Si le joueur est bien gaulé, on peut s'arranger, ou s'il est capable de buter "Bicyclette" comme Rooney. Ou s'il s'appelle Hugo Lloris.

Cette précision étant faite, reprenons.

A mon arrivée au stade, l'ouvreuse m'a pris pour une grosse teubé, en m'indiquant gentiment, le regard plein de compassion, que le fait qu'il y ai marqué "Rang 4, place 55" sur mon billet signifiait que je devais me rendre au 4e rang, et de là, chercher la place 55. Non non, il n'y a pas de piège, le numéro est inscrit, bien visible, sur chaque siège. "Après tout - me dis-je - cette charmante demoiselle a l'habitude de gérer des supporters, je ne peux donc pas lui en vouloir de me prendre pour une abrutie." (Ohhh c'est un peu gratuit ça - tout comme ma place au stade ) 

Je m'assois dans un virage, et me rends compte que ma perception du match ne sera pas la même qu'affalée sur le canap' avec un snack. Il fera plus frisquet, aussi. Pas grave, je m'adapte, et essaie d'adapter aussi ma vision pas franchement aiguisée. Oui parce que quand les joueurs ils sont loins, l'action me dépasse un peu, et je préfère me reposer sur les réactions des supporters ("OhhhhhhHHHhh" "AAAaahhhh"), plutôt que sur mon propre ressenti. 

Je saisis la feuille bleue qui était sur mon siège et la voix off m'indique gentiment que je dois la lever dans 3-2-1, MAINTENANT. Docile, je la lève, et tout le monde fait pareil donc j'ai pas l'air trop con. Ca s'appelle une Tifosie (un Tifosi ? Google m'a pas trop aidé sur ce coup là), qu'il me dit mon copain. Moi depuis toujours je pensais que c'était un nom de maladie, donc j'ai dormi carrément moins bête. Tifosi, tu lèves le papier. Ok, je note.

Le match commence, et les insultes avec. J'ai été très étonnée de voir qu'on n'y va pas de main morte, à traiter tout le monde d'enculé (surtout l'arbitre et le goal adverse, mais surtout pas les joueurs qu'on supporte, même s'ils font quelque-chose de très très mal. Un supporter supporte, à toute épreuve.) Donc quand le goal adverse va tirer, on beugle "OHHHH HISSS L'ENCULééééééé", et tout le monde a l'air de trouver ça normal. "Mais quand même, c'est pas un peu méchant de lui dire ça alors que bon, il ne fait que renvoyer la balle ?" "T'occupe, c'est pour le déstabiliser". Ah, daccord, bah "Oh Hiss L'enculé" dans ce cas, après tout, on est venu pour gagner, non ? Pas besoin d'être trop cultivé, les mots de plus de six lettres sont bannis du stade. Donc pour les injures, on s'en tient à "Enculé" (très prisé), ou "fils de pute" (non, il y a moins de six lettres dans chaque mot, donc ma consigne est juste) Oubliez les "mécréant", "pleutre", "veule", ce genre de chose. Plus c'est primitif, mieux c'est. Je tiens d'ailleurs à souligner que le stade s'est permis plusieurs fois un bon vieux petit "Marseille, Marseille, on t'encule". Étonnement, questionnement dans ma petite tête :"Mais, c'est Paris - Toulouse !" "T'occupe pas, Marseille, c'est l'ennemi, toujours". Marseille, pas bien, Ok, je note.

Bien sûr, on peut également huer. On hue même beaucoup. Dès qu'un joueur de l'équipe adverse à la balle, en fait.

J'avais un peu peur de passer pour une néophyte. Déjà, quand il a fallu crier les noms des joueurs au moment de la composition de l'équipe, moi je me suis sentie comme Jacques Chirac à la coupe du monde 1998. Forte de son expérience, j'ai préférée fermer ma gueule. Mais j'avais quelques appréhensions quant aux chants des supporters. Je me suis vite aperçue que rien ne sert de stresser : si tu as fait des colos pendant toute ta jeunesse, tu as cette capacité à retenir les paroles d'une chanson et son air au bout de même pas 3 couplets. Là, c'était pareil, il ne m'a fallu qu'une demi mi temps pour connaître sur le bout des doigts "Allez Paris, allez Paris, allez Paris", " P-A-R-I-S, Paris" (on l'épelle, au cas où quelqu'un aurait envie d'écrire ça "Paryt") et le merveilleux "ICI C'EST ? PARIIIS" (au cas où, sur un malentendu, on se croit à Bordeaux)

On est tellement venu pour gagner qu'on est content quand un joueur se fait mal. On chante "A l'hopital, à l'hopitaaaal", tous en coeur, c'est presque chaleureux. Sauf que quand même, y'a peut etre un joueur qui va être amputé, mais ça c'est pas grave. Moi, portée par mon enthousiasme, j'ai chanté cette petite rengaine même quand un joueur du PSG s'est blessé. Les regards noirs des supporters de ma tribune m'ont appris que quand c'est un joueur de l'équipe qu'on soutient qui se fait mal, il est très mal vu de vouloir l'envoyer à l'hôpital. Je note.

Au final, Paris a marqué 2 buts, et Toulouse, un seul. Pour vous lecteurs, je peux expliquer : ca veut dire que PSG a gagné. Tant mieux, parce que je me serais sentie un peu nulle d'avoir traiter d'enculé Toulouse pendant 90 minutes pour qu'au final il nous batte.

CONCLUSION : Pas la peine d'aller à Rome et de visiter une arène. Allez au stade, et vous découvrirez un vrai spectacle de gladiateurs, avec mise à mort et tout le tralala. Vous serez confronté à l'espèce humaine dans ses plus viles instincts, à une sorte de haine primitive fort intéressante. Attention, prenez garde, où vous vous surprendrez à crier "OH HISSSS l'enculééééé", c'est moi qui vous le dis. Mais eh oh, moi je dis tout ça, mais j'ai quand même apprécié l'expérience. Être porté par l'ambiance, c'est quand même fun, et les supporters gardent leur énergie pour soutenir leur équipe du début à la fin. Moi, à la mi temps, j'étais déjà KO, enrouée, crevée ! La prochaine étape, c'est de voir un match de coupe du monde, parce que ça à mon avis, ca doit bien envoyer !

Customised American Apparel sweater / H&M cocktail dress / Vivienne Westwood for Melissa shoes / Urban Outfitters pink glasses / Kiss Me Zombie necklace