Bonjour bonjour !
Je suis heureuse d'entamer l'écriture de mon deuxième "Brainy Mardi". Il s'agit d'articles un peu différents où j'aborde des sujets un peu plus nerdy que d'habitude ! Je suis sûre que vous allez faire de belles découvertes, alors j'espère que vous serez aussi enthousiastes que moi à cette idée :)
Le thème du jour, ce sont les mots. J'ai toujours aimé lire et écrire, j'ai d'ailleurs suivi un cursus littéraire. A la fac, un cours m'a marqué. Je ne me souviens pas exactement de l'intitulé du cours, mais y on avait étudié le discours oral : comment convaincre un auditoire. C'est là que j'ai réellement pris conscience du pouvoir de la parole. C'est particulièrement vrai en cette période de présidentielles, mais ça l'est aussi dans des petits moments de la vie courante : cette insulte qu'on n'arrive pas à digérer (Comment une simple suite de lettres peut nous faire aussi mal ?), ces mots interdits qu'on ne prononce même pas (pensez au fameux "n-word" aux Etats Unis, qui porte un bagage historique si lourd qu'on se refuser à le formuler), ou bien cet ami incroyable qui arrive à convaincre toute l'assemblée qu'il n'est pas le loup garou, grâce à un savant argumentaire, alors que tout l'accable !
Les mots ont le pouvoir de vaincre et de convaincre. Ils ont aussi la capacité à élargir nos horizons intellectuels. Lors de mes cours de philo, j'avais été fascinée par cette citation d'Hegel :
"C'est dans les mots que nous pensons."
Effectivement, un vocabulaire riche permet une reflexion approfondie. Notre pensée se trouve limitée quand notre vocabulaire l'est, et notre façon même de voir les choses est influencée par les mots que nous employons. Pour illustrer cette idée, voici une vidéo de Mayim Bialik :
Bon argument, non ? Alors oui, la vidéo est également féministe, mais ça c'est circonstanciel évidemment ;)
Un autre bon exemple du pouvoir de la parole, c'est A Voix Haute. Ce film sortira le 12 avril, mais j'ai eu la chance de le voir en avance dans mon cinéma de quartier (j'ai la carte UGC, du coup je reçois beaucoup d'invitations aux avant-premières, et c'est chouette car souvent l'équipe du film se déplace et vient répondre aux questions après la séance). La version courte de ce documentaire a d'ailleurs déjà été diffusée sur France 2 fin 2016. Dire que j'ai aimé serait un euphémisme. J'ai été extrêmement touchée par ces jeunes du 93 qui participent à un concours d'éloquence, et qui s'expriment chacun à leur manière sur des sujets imposés. Certains rappent, d'autres jouent la comédie, d'autres encore slamment, mais tous rêvent d'être sacré meilleur orateur :
Ce film m'a captivé et m'a énormément émue. D'ailleurs même la bande-annonce, après coup, me serre le coeur. Lors de la discussion avec l'équipe du film après la projection, j'ai appris que ce documentaire avait été réalisé à la base avec très peu de moyens, mais beaucoup d'envie et de débrouille ! De toute manière, pas besoin d'effets spéciaux, la force de ce film vient des idées qu'il véhicule, et il est porté par la passion de tous ces jeunes et de l'équipe de tournage, ça se sent !
Je compte sur vous pour aller le voir et me dire ce que vous en avez pensé ! Pour ma part, il m'a beaucoup inspiré, ne serait-ce que la rédaction de cet article !
En plus de pouvoir nous convaincre de réfléchir ou d'agir, les mots ont donc bien aussi la force de nous toucher, de nous émouvoir. Au cours de mes études, j'ai souvent été emportée par des textes que je ne comprenais pas forcément, mais qui avaient une musicalité très forte. Shakespeare ou Milton, par exemple, écrivaient en vers, dans un anglais d'époque. Tout ça fait qu'il est très difficile pour moi de réellement comprendre leurs textes. Et parfois, même si je comprends les mots, je ne comprends toujours pas le sens. Tout est un peu abstrait. Par contre, ce qui surpasse tout ça, c'est le rythme de leurs phrases. Essayez de lire quelques pages de Paradise Lost en anglais. Même si vous ne comprenez pas, le rythme vous sautera aux yeux !
L'exemple de musicalité le plus parlant à mon sens est The Raven, un poème d'Edgar Allan Poe. Lisez cet extrait à voix haute. Vous verrez que même si vous ne comprenez pas forcément le sens, vous percevrez forcément la musique qu'apportent les allitérations et la structure très stricte. (Si je ne me trompe pas, ce sont des quatrains d'octosyllabes. Non ?)
« Once upon a midnight dreary, while I pondered weak and weary,
Over many a quaint and curious volume of forgotten lore,
While I nodded, nearly napping, suddenly there came a tapping,
As of some one gently rapping, rapping at my chamber door.
‘ ‘Tis some visitor,’ I muttered, ‘tapping at my chamber door –
Only this, and nothing more.’
Open here I flung the shutter, when, with many a flirt and flutter,
In there stepped a stately raven of the saintly days of yore.
Not the least obeisance made he ; not a minute stopped or stayed he ;
But with mien of lord or lady, perched above my chamber door –
Perched upon a bust of Pallas just above my chamber door –
Perched, and sat, and nothing more. »
C'est presque un exercice de diction ! La musicalité est si extraordinaire que je plains Charles Baudelaire qui a dû le traduire en français. Comment rendre le rythme dans une autre langue, tout en conservant le sens ? C'est un exercice périlleux, et à mon sens quasi impossible. Et pour avoir lu justement le poème en français, j'avoue ne pas ressentir du toup la même émotion (je n'en ressens d'ailleurs pas du tout). Si vous voulez en lire un peu plus sur cette traduction, c'est par ici.
Puisqu'on aborde le sujet de la musicalité des mots, alors j'en profite pour vous parler de mon chanteur chouchou du moment : Vianney. Je suis la première étonnée de ce coup de coeur. La chanson française m'émeut rarement, et j'écoute plutôt de la folk américaine, de la pop, ou des chansons acoustiques diverses et variées. Dans le cas de Vianney, mon crush vient à mon avis plus de sa façon de partager ses mots, que des mots en eux même. Car quand un autre artiste reprend une de ses chansons, généralement ça me passe tout à fait au dessus de la tête. Il doit y avoir quelque chose dans l'interpretation de Vianney qui me parle particulièrement ! J'ai donc acheté mes billets pour son concert à Fourvières et j'ai HATE ! J'avais déjà assisté à un concert pendant les Nuits de Fourvières, dans le grand théatre, c'était Damien Rice et c'était MAGIQUE. J'espère que je serais aussi emportée par ce prochain concert !
Pour terminer ce Brainy Mardi spécial "mots", je me permets une suggestion de lecture qui me parait s'inscrire très bien dans cette thématique. Il s'agit de La Horde du Contrevent de Alain Damasio. Déjà, l'histoire est prenante et le roman est très bien écrit (le style compte beaucoup pour moi, et souvent les livres mal écrits me tombent des mains). Mais il y a une scène particulière que tout ceux qui ont lu le livre auront forcément en tête : l'incroyable joute verbale en palindrome. Sur ce coup là, je suis vraiment époustouflée (et c'est franchement un mot que j'utilise avec parcimonie :D) par le talent de l'auteur, qui arrive à faire jouer cette symétrie sur des phrases entières.
En voici un extrait, que j'ai trouvé sur Wikiquote :
Sélème : Engage le jeu que je le gagne !
Caracole : L'âme sûre ruse mal !
Sélème : L'âme sœur, elle, rue, ose mal... Erg immigré ! Erg en nègre ! Vos Sov ! Le traceur à la rue : cartel !
Caracole : En nos repères, n'insère personne !
Sélème : Le sert-on ici, notre sel ?
Caracole : Tâte l'état ! C'est sec.
Sélème : Léger regel ?
Caracole : Saper ses repas...
Sélème : Semi-auteur, ô male ! La morue tu aimes.
Caracole : Euh... Hue !
Sélème : Eh, ça va la vache ?
Caracole : Rat ! Avatar !
Sélème : C'est sec... Ta bête te bat !
Caracole : Et si l'arôme des bottes révèle madame, le verset t'obsède, moraliste !
Sélème : L'arôme moral ? Ému, ce destin rêve, il part natter ce secret tantra plié, vernissé d'écume.
Caracole : Et tu te démêles, Sélème de lutte ?
Sélème : Ici ? Non. Tu l'as, ressac, avalé ? Crac ! Car cela va casser... Salut !
Caracole : Sniff ! À l'affin S !
Sélème : Élu, aimé, jeté, ô poète ! Je miaule !
Caracole : Ah Élu, ça ! Je trace l'écart, éjacule, ha !
Sélème : Rupture de lien : un arc élève le reste et se relève à l'écran, une île de rut pur.
Caracole : Mon nom...
Sélème : Hola Caracole, va à vélo caracal, oh !
Caracole : Mon nom... Mon nom...
Sélème : Ressasser, "Carac", ressasser ! Oh, cela te perd répéta l'écho !
J'espère que ce brainy mardi vous aura inspiré et vous aura donné envie de découvrir ces artistes, ces films, ces livres... si vous avez des suggestions pour étoffer l'article, n'hésitez pas à les partager en commentaire !
En voici un extrait, que j'ai trouvé sur Wikiquote :
Sélème : Engage le jeu que je le gagne !
Caracole : L'âme sûre ruse mal !
Sélème : L'âme sœur, elle, rue, ose mal... Erg immigré ! Erg en nègre ! Vos Sov ! Le traceur à la rue : cartel !
Caracole : En nos repères, n'insère personne !
Sélème : Le sert-on ici, notre sel ?
Caracole : Tâte l'état ! C'est sec.
Sélème : Léger regel ?
Caracole : Saper ses repas...
Sélème : Semi-auteur, ô male ! La morue tu aimes.
Caracole : Euh... Hue !
Sélème : Eh, ça va la vache ?
Caracole : Rat ! Avatar !
Sélème : C'est sec... Ta bête te bat !
Caracole : Et si l'arôme des bottes révèle madame, le verset t'obsède, moraliste !
Sélème : L'arôme moral ? Ému, ce destin rêve, il part natter ce secret tantra plié, vernissé d'écume.
Caracole : Et tu te démêles, Sélème de lutte ?
Sélème : Ici ? Non. Tu l'as, ressac, avalé ? Crac ! Car cela va casser... Salut !
Caracole : Sniff ! À l'affin S !
Sélème : Élu, aimé, jeté, ô poète ! Je miaule !
Caracole : Ah Élu, ça ! Je trace l'écart, éjacule, ha !
Sélème : Rupture de lien : un arc élève le reste et se relève à l'écran, une île de rut pur.
Caracole : Mon nom...
Sélème : Hola Caracole, va à vélo caracal, oh !
Caracole : Mon nom... Mon nom...
Sélème : Ressasser, "Carac", ressasser ! Oh, cela te perd répéta l'écho !
J'espère que ce brainy mardi vous aura inspiré et vous aura donné envie de découvrir ces artistes, ces films, ces livres... si vous avez des suggestions pour étoffer l'article, n'hésitez pas à les partager en commentaire !
Super article ! Le poème est absolument merveilleux et j'avoue n'avoir jamais pris la peine de m'intéresser à la poésie anglaise, ça va vite changer ! C'est marrant parce que la traduction en français est effectivement hyper différente et ne laisse pas du tout la même impression mais je l'aime beaucoup aussi... Mon amour immodéré pour Beaudelaire y est sûrement pour beaucoup..
RépondreSupprimerEn tout cas, j'aime beaucoup cette idée de Brainy Mardi ^^
Je suis très contente que cet article t'ai plu :) Pour la trad de Baudelaire : elle est pas mal du tout en terme de sens, c'est vrai. Elle conserve son aspect très littéraire, très profond. Mais le rythme... m'enfin, c'était vraiment impossible à retranscrire !
SupprimerMerci pour tous ces articles je vais me pencher sérieusement dessus!
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