Les guillemets

Ca va "bien".

On en est là, à mettre des guillemets. Parce que ça ne va pas vraiment bien, ça va seulement "bien". C'est révoltant, et le mot est faible, de penser qu'on peut être brutalement assassiné parce qu'on buvait une bière entre amis ou qu'on était à un concert. Que le crime qu'on a commis, c'est un crime passionnel : c'est d'aimer ses amis et d'aimer passer du bon temps avec eux. C'est révoltant de penser que des horreurs pareilles, il s'en passe tous les jours.

Mon incompréhension est plus grande que ma colère. J'aimerais savoir ce qui se passe dans la tête de ces gens là, ceux qui commettent ce genre de crime. J'aimerais qu'ils m'expliquent leur vision des choses, celle qui justifie à leurs yeux de tuer des innocents, et de penser que c'est bien. Eux même, mettent-ils des guillemets ? Croient-ils que c'est bien, ou que c'est "bien" ?

Je repense avec nostalgie au temps où j'étais enfant. Où le bien et le mal étaient des notions simples et logiques, mais, on s'en rend compte après, tellement abstraites. Les gentils et les méchants. Les gentils qui gagnent toujours. Une partie de moi a envie de croire que oui, le bien l'emporte toujours sur le mal. C'est mon petit côté optimiste ! Ce côté là est confiant en l'avenir. En ce moment, j'essaie donc d'écouter au maximum ce côté là. Et c'est aussi ce côté là qui ressent beaucoup d'amour pour l'humanité. J'ose espérer que d'un tel drame peut surgir la bienveillance qui nous fait défaut à tous, ou presque. Et si on faisait en sorte d'entretenir cette "bien"veillance qu'on a les uns pour les autres ? Si on arrêtait de pourrir la gueule des autres pour aucune raison ? Oui car quand je vois sur les réseaux sociaux (vaste théâtre depuis lequel aucun terroriste ne peut réellement nous atteindre, et donc depuis lequel chacun se sent justicier de la "bien"séance) naitre des querelles stupides, parce que machine a osé faire-ci alors que machin pense qu'elle aurait dû faire ça, franchement, ça, ça me fait ressentir une certaine colère. Comment ne pas comprendre, après ce foutu vendredi, ce friday bloody friday, qu'on en est plus là ? Qu'il faut passer au delà de ce qui nous agace, et garder sa colère pour les gens qui posent réellement problème ? On assiste à une improbable compétition pour savoir qui a le plus de peine et qui la met en scène de la manière la plus appropriée. Je crois qu'on a d'autres chats à fouetter. (Mais venez, on fouette pour de vrai aucun chat ok ? D'où elle sort cette expression ?)

Aujourd'hui, j'ai envie de vous envoyer de l'amour. C'est niais. C'est inutile, et même un peu ridicule. Je ne vais pas changer le monde avec mon amour, et on me reprochera sans nul doute cette insupportable naïveté. Soit. Mais je sais que vous, comme moi, pour continuer à vous lever le matin, pour sourire, pour que la boule au ventre rétrécisse un peu, on a besoin de recouvrir ces images d'horreur par des images d'amour. On n'oublie pas, et on n'oubliera jamais. Mais on est obligé, aussi dur que ce soit, de reprendre notre vie, quand notre coeur nous parait mort. Il est bien là, il bat toujours, au rythme d'une chanson de métal, ou gentiment en contretemps après une bière de trop. Venez, on continue d'aller bien. Sans guillemet.

Mes pensées vont aux familles des victimes, qui doivent supporter l'insupportable. Beaucoup d'amour pour eux.